Infographie interactive Arte: Facebook, Internet et la démocratie
Dans une infographie interactive – http://ilovedemocracy.arte.tv/fr/ – créée par Dataveyes pour la visualisation interactive de données, Etienne Ledemay pour le graphisme, et publiée par le Pôle Web ARTE France, vous pouvez voir par exemple des statistiques liées à l’utilisation de Facebook par pays, quelques exemples :
- 26% des Tunisiens utilisent Facebook,
- 34% de la population grecque utilise Facebook,
- 4% des Russes seulement utilise Facebook.
Aux États-Unis la moitié des américains consulte Facebook – voir infographie Statistiques Facebook 2012.
En ce qui concerne l’Égypte l’infographie montre qu’aucun Égyptien n’utilise Facebook, soit un taux de pénétration de 0% ! Il y a certainement une erreur puisque les chiffres publiés sur le site Socialbakers.com, sur lesquels l’infographie s’appuie, montrent que Facebook a un taux de pénétration de 11,86% de la population égyptienne. Mais encore, le taux d’utilisation de Facebook en Égypte est beaucoup plus important que celui des Arméniens (8,66%), des Japonais (5,34%) ou de l’Ukraine (3,90%).
Vous pouvez voir aussi que les Algériens utilisent deux fois plus Facebook que les Indiens. Mais en comparaison aux Algériens il y a trois fois plus de Tunisiens qui utilisent Facebook et Internet.
Facebook : Un réel indicateur de démocratie ?
L’infographie interactive est de très bonne facture, certes, il n’y a aucun doute là-dessus. Néanmoins une question se pose. Les médias sociaux reflètent-ils nécessairement l’état politique d’un pays ? Et si tel était le cas, comment les médias sociaux pourraient-ils refléter une mauvaise démocratie ? En effet, il n’existe pas de démocratie parfaite et absolue, la question se poserait de savoir comment Facebook pourrait identifier le degré de démocratie. Encore faudrait-il ne pas douter de leur caractère irréprochable. Chacun se souviendra de la relation entre Twitter et la censure.
Dans son ouvrage intitulé The Filter Bubble : What The Internet Is Hiding From You l’auteur Eli PARISER écrit que « la démocratie exige des citoyens de voir les choses d’un autre point de vue, mais au lieu de cela nous sommes de plus en plus enfermés dans nos propres bulles ». Si Internet est représentatif de l’état démocratique d’un pays, alors pourquoi diminue-t-il la valeur de la personnalité et de l’individualité des citoyens ? En effet, après avoir cité le point de vue de PARISER sur la démocratie l’auteure Sue HALPERN affirme que « le paradoxe de la personnalisation et de l’expression de soi promus par Internet grâce aux réseaux sociaux, c’est qu’il diminue simultanément la valeur de la personnalité et de l’individualité ». Or, pour exiger des citoyens la pluralité des points de vue ceux-ci doivent préalablement jouir de leur personnalité et de leur individualité, c’est logique.
Dans cette infographie Facebook est présenté comme le seul indicateur de la démocratie. Pourquoi seulement Facebook ? Un exemple, au Brésil Orkut est autant utilisé que Facebook. Autre exemple, au Japon Facebook ne remporte pas la Palme d’or des réseaux sociaux, pourtant le niveau de vie de ses habitants n’est pas à plaindre – cf. infographie réseaux sociaux dans le monde.
Facebook comme d’autres réseaux sociaux, et, à plus grande échelle Internet, ne sont-ils pas plutôt des indicateurs d’un niveau technologique ? Comment la population d’un État « en voie de développement » peut-elle faire une bonne utilisation de Facebook ou de tout autre site de réseau social sans pouvoir profiter d’un réseau Internet bien desservi ? C’est bien une question de moyens.
Par ailleurs, plutôt que de montrer Facebook en tant qu’indice de démocratie, ne serait-il pas plus juste de publier des chiffres qui témoignent du niveau de santé, de nutrition et de sécurité ? Facebook devrait être à la culture ce que l’Internet est à la technologie.
L’infographie fait bien de montrer le noyau de la démocratie structuré par des critères tels que le processus électoral et le pluralisme politique, la participation politique, le fonctionnement du gouvernement, la culture politique, les libertés civiques. Il faut aussi considérer les cercles concentriques qui montrent la part des femmes dans la population active et la politique.
Facebook ne peut pas se présenter comme le miroir d’un État démocratique. Facebook et Internet ne sont que des composantes des libertés civiques. Ces libertés – cf. capture d’écran à gauche – sont caractérisées par l’indépendance de la justice, la liberté d’expression, la sécurité des citoyens, l’égalité des citoyens devant la loi, la liberté religieuse, etc.
La religion aussi fait partie d’une démocratie. En Chine par exemple, il y a un vide spirituel affirme le journaliste chinois Chang PING. Selon lui les érudits de son pays espèrent que la démocratie apportera son lot de vertus dans la société. Sans nier la religion pour laquelle il voue un réel respect, Chang PING croit particulièrement en la démocratie, à l’esprit civique, à la liberté dans la politique, dans la société, mais aussi dans la culture pour résoudre le problème de la crise spirituelle. Chang n’ignore pas que la démocratie a également son lot de problèmes, mais pour lui elle reste toutefois une voie à suivre.
Comparaison n’est pas raison. Le Pôle Web ARTE France plonge à pieds joints… dans la comparaison des pays. Il n’existe pas de démocratie clés en main, imbricable. Chaque pays dispose de sa propre culture, de ses problématiques, et donc, chaque pays est unique en soi. La démocratie doit naître selon les conditions, les particularités, les habitudes d’un pays. Un cheminement progressif doit être effectué. A ce propos Chang affirme que la Chine n’est pas nécessairement disposée à appliquer le style démocratique occidental. Selon le journaliste il n’y a pas un seul modèle occidental. En effet, l’Allemagne n’a pas copié le modèle des États-Unis et les États-Unis n’ont pas copié le modèle de la Grande-Bretagne. Il ne s’agit donc pas de copier.
A retenir :
- Entre pays il existe des disparités dans l’utilisation de Facebook et d’Internet.
- Ces inégalités dépendent aussi du réseau Internet desservi.
- Si Facebook est un indice de démocratie, il doit pouvoir signifier les degrés de démocratie.
- En démocratie le paradoxe de la personnalisation et de l’expression de soi promus par Internet grâce aux réseaux sociaux est une problématique.
- Facebook tient plutôt de la culture, des libertés civiques. À lui seul il ne peut pas être considéré comme un indice de démocratie.
- Il n’existe pas de démocratie parfaite et absolue. Chaque pays doit constituer son propre modèle.
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Sources du Pôle Web ARTE France pour les chiffres Facebook & Internet
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- Chang PING dans Is democracy Chinese ?
- Sue HALPERN dans Mind Control & the Internet.