Déréférencement des médias français. Vraiment une menace de Google ?
Les médias dans leur majorité annoncent que le déréférencement des sites de presse française est une menace de Google. Comptez le nombre de fois que le terme « menace » apparaît… En quoi est-ce une menace ? Ne serait-ce pas une proposition sage de Google ?
Tout n’est pas dit.
La situation entre la presse française, Google et le gouvernement français est une situation de crise complexe. Comment penser à une solution facile ? La première question que chacun peut se poser est de savoir ce qui motive les éditeurs de presse et le refus de Google ?
Au premier abord il apparaît naturel que Google doive payer une taxe sur les contenus de presse référencés. Hier la société Google Inc a annoncé que son chiffre d’affaires avait augmenté de 45% par rapport à l’année dernière. Au 3ème trimestre de l’année 2012 la société a réalisé un chiffre d’affaires de 14,1 milliards de dollars (US) et un bénéfice net de 2,18 milliards de dollars (US). L’ex-président français avait déclaré lors de son quinquennat à propos de la taxe Google : « Il n’est pas admissible qu’ils réalisent un chiffre d’affaires de plusieurs milliards d’euros en France sans contribuer à l’impôt ».
Les contenus de presse qui alimentent Google – ses moteurs de recherche – sont des créations qui ne lui appartiennent pas – peut-être encore moins à la presse française qui copie et colle des communiqués de presse et des dépêches. La logique voudrait qu’il paye quelque chose en retour. Il n’y a rien de choquant. Tout travail mérite salaire.
Seule la presse française bénéficierait de cette loi de taxation, le problème est que les contenus informatifs sont aussi créés par l’internaute lambda. Celui par exemple qui tweete un évènement, qui rapporte des faits sur son blog, son tumblelog, dans un forum.
« Il faut sauver le soldat Web ! »
S’il faut menacer pour une bonne cause, alors oui, il faut menacer.
Faudra-t-il que Facebook et Twitter paient, eux aussi, une taxe sous prétexte que les publications d’utilisateurs contiennent des liens vers des sites d’information ? Faudra-t-il que Wikipédia paie aussi ses contributeurs ? Jusqu’où ira la demande ?
Les résultats de recherche organiques – dits aussi naturels – diffusent des contenus informatifs de l’internaute lambda, des contenus qui n’appartiennent pas à Google. Faut-il que Google rémunère aussi l’internaute lambda ? Eux aussi diffusent de l’information. Et les blogueurs professionnels, demanderont-ils à être rémunérés par le géant de la recherche ?
Google a avancé quelques arguments pour se défendre de cette proposition de loi. La société privée a même parlé d’innovation – plutôt difficile à avaler quand Peter Thiel, co-fondateur de PayPal, disait à Schmidt que Google était à court d’idées nouvelles parce qu’il n’investissait pas ses 50 milliards de dollars de cash dans les nouvelles technologies.
La société a exprimé son refus par une menace proposition de déréférencement des contenus de presse. Est-ce la presse française qui est réellement menacée ? N’est-ce pas plutôt le Web qui serait menacé en punissant la création de liens hypertextes ?
Si les contenus référencés dans Google posent problème, la solution n’est-elle pas de déréférencer ses propres contenus ?
Pour éviter la menace, se déréférencer soi-même.
D’ordinaire un éditeur de site, quelle que soit la nature du site, paye une certaine somme d’argent en échange d’un référencement de qualité. L’association qui représente les éditeurs de presse demande à Google de payer une taxe sur le référencement des contenus de presse. N’est-ce pas le monde à l’envers ? La demande est pathétique, surréaliste, beaucoup en rient. Pourquoi ? C’est comme si un client se rendait à la boulangerie du coin pour demander une baguette et l’argent de la baguette. Je voulais éviter l’expression…
Si les liens de Google Actualités posent problème, il faut déréférencer soi-même ses propres contenus des moteurs de recherche : Google Actualités, mais aussi Google.fr et Google images.
Google n’est pas un service public. Comme toute entreprise privée seuls les bénéfices l’intéresse. Si Google sollicite des contenus, c’est pour rentabiliser son programme de publicité et Dieu sait qu’il n’en manquera pas.
Trop d’appétit pour Google révèle une forme de dépendance.
La menace ne vient pas de Google.
Si Google déréférence les sites de presse français – et il en est capable, les Belges peuvent témoigner – chaque éditeur de presse pourrait perdre entre 20 et 45% d’audience, ce n’est pas rien. Un chroniqueur de Médiapart me disait sur Facebook que les éditeurs – papier – payaient cher de proposer des contenus gratuits sur Internet pour attirer les lecteurs vers leurs éditions papier payantes. Si Google désindexait les sites de presse français, les pertes seraient catastrophiques pour les éditions papier et digitales malgré les subventions accordées.
Aujourd’hui, en France, Google est le champion des moteurs de recherche, les chiffres l’attestent. Chaque mois le moteur de recherche Google.fr s’octroie pas moins de 90% en parts de visites. Une stratégie de référencement des sites de presse français basée uniquement sur Google est une mauvaise stratégie. Un pays diversifie ses importations de pétrole pour éviter la dépendance.
Ce qui est une menace ce n’est pas Google, c’est plutôt la stratégie choisie. En d’autres termes si les sites de presse n’étaient pas dépendants de Google, la menace serait aussi dangereuse qu’un pistolet à eau.
La réalité est qu’aujourd’hui Google a le droit de vie ou de mort sur les sites de presse française parce que les professionnels du référencement l’ont voulu, consciemment ou inconsciemment. Être bien référencé dans les moteurs de Google, uniquement dans les moteurs de Google, c’est se mettre une chaîne autour du cou.
Frédéric
19 octobre 2012 8 h 45 minLa conclusion s’imposait ” Être bien référencé dans les moteurs de Google, uniquement dans les moteurs de Google, c’est se mettre une chaîne autour du cou.”
J’en ai fait la triste expérience récemment et je compte bien cesser de mettre tous mes oeufs dans le même panier.
A force de tirer sur la corde mister gg perdra son hégémonie tous ceux dont l’activité reposent sur internet trouveront de nouveaux mode de promotion et de communication, d’ailleurs ça a déjà commencé (twitter, facebook, viadeo…)
Julien Muller
19 octobre 2012 10 h 55 minHello,
je trouve cet article très intéressant, surtout que nos points de vue se recoupent.
Google est surement maintenant l’entreprise la plus influente du monde, pour preuve, je pense que leur “menace” envers le gouvernement français est justifiée et causerait beaucoup plus de perte que ce qu’on peut imaginer.
Juste à titre d’exemple, les liens provenant des journaux français redirigent souvent vers d’autre sites de particuliers et surtout d’entreprise. Ce sont également ces sites internet qui seraient pénalisés et par la suite, l’argent des taxes sur les entreprises qui vivent du web chuteraient, et nos professions dans le web seraient moins attractives.
bref, tout ça pour dire que le gouvernement devrait faire attention à pas exploser la bulle internet en voulant taxer des entreprises aussi importantes.